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par  Océane Lerouge




Un vieux commentaire qu'on aimerait retirer d'un forum, des coordonnées en ligne, une signature ajoutée à une pétition gênante ou des photos compromettantes. Nous laissons de nombreuses traces indésirables sur la toile. Il y a deux ans, Mélissa a tout fait pour effacer les siennes.




Demande d'ami : Coochi666. « Confirmer l'invitation » ? A ce moment, Mélissa a 14 ans. En France, Facebook en est à ses débuts. « J'étais ado, c'était nouveau et j'ajoutais plus ou moins tout le monde, je ne savais même pas qu'il y avait des paramètres de confidentialité », explique t-elle. Sauf que derrière Coochi666 se cache en réalité un de ses anciens enseignants de cinquième, son professeur de français. C'est sous cette fausse identité que ce dernier profite d'un libre accès au profil Facebook de la jeune fille pour récupérer plusieurs photos de son compte personnel.


Des photos qui se retrouvent peu de temps après publiées sur un site pornographique hébergé aux Pays-Bas. Il fera de même avec 150 de ses étudiantes. Parmi les photos récupérées, aucun caractère licencieux. Des visages d'adolescentes souriantes, chez elles, dans leur jardin ou en maillot de bain. Sous la photo en revanche : le nom, le prénom, l'âge et la ville de résidence. « Au-delà des photos, le pire c'était les commentaires », raconte Mélissa. « Il y avait des remarques choquantes, comme ''tiens, tu as une belle bouche de suceuse''. De ces photos, les internautes s'imaginaient parfois des histoires et les commentaires devenaient vite très salaces ».


C'est par une amie à elle, également présente sur le site, que Mélissa découvre le détournement de ses photos. En faisant une recherche anodine de son prénom dans Google image, cette ancienne amie de collège tombe sur une photo d'elle en bikini. En cliquant dessus, elle est immédiatement redirigée vers le site néerlandais. « Elle m'a appelée en pleurs, elle était hyper flippée. A ce moment là, on était en terminale, et les photos avaient été postées quand on était en troisième. Elles sont restées trois ans sur le site avant qu'on ne tombe dessus. » Mélissa découvre alors son visage, entre deux photos de femmes d'âge mûr, posant nonchalamment jambes écartées.


















Ce dimanche, deux heures après l'appel, Mélissa est avec son père au commissariat. Mais rien à faire, les photos ne peuvent être retirée : le site n'est pas hébergé en France. Pendant encore plusieurs jours, la lycéenne continue sa vie avec ce poids. « C'était un mois avant le bac. Plusieurs collèges étaient concernés par les photos publiées sur ce site et la rumeur s'est vite répandue. Tous les mecs voulaient aller voir. Je me retournais dans la rue, j'avais l'impression que tout le monde me scrutait. » Aujourd'hui, plusieurs sites comme Webcleaner.fr ou Efface-moi.com, proposent des solutions pour faire disparaître des données personnelles sur le net en toute discrétion. Dans un délai d'une à douze semaines et moyennant finance, la plupart des contenus compromettants peuvent être supprimés. En 2012, c'est plus complexe.


Mélissa fait donc appel à un ami de son âge, qui « touche en informatique ». Ce dernier s'inscrit sur le site pornographique sous couvert d'un pseudo féminin tout aussi alléchant qu'explicite et contacte le fameux Coochi666. Via le tchat du site, le jeune homme remonte alors jusqu'à l'adresse IP de l'utilisateur, qu'il fournit immédiatement à la police. Celle-ci n'a alors aucun mal à localiser l'ordinateur et à remonter jusqu'au domicile de l'enseignant. Une fois sur place, l'intégralité du compte et des photos sont supprimés.


Au moment de la découverte du site, Mélissa se lance dans un vaste ménage. « J'ai repassé au peigne fin tout mon fil de photos Facebook, j'ai tout épuré. Maintenant, tous mes paramètres de confidentialité sont verrouillés au maximum et j'ai fait le tri dans mes amis. » Deux ans sont passés, l’enseignant a été condamné à six mois de prison ferme, et Mélissa a tourné la page. De cet incident, elle ne garde que quelques réflexes : « Il m'arrive de temps en temps de taper mon nom dans Google pour voir ce qui apparaît dans le moteur de recherches. »


Depuis le 13 mai 2014, les internautes ont le droit à l'oubli. Il peuvent demander à Google de désindexer du moteur de recherche certains contenus les concernant. En six mois, plus de
50 000 demandes de surpressions de liens ont été émises depuis la France. Un droit qui permet de construire son e-réputation entre les lignes de code, de décider de ce qui doit, ou non, rester invisible.




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Le droit d'être oublié

Pour préserver son e-réputation, Mélissa a décidé de rendre certains contenus invisibles. Les moteurs de recherches ne montrent d'elle que ce qu'elle veut bien laisser voir.

Toujours visible

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Eux aussi ont voulu devenir invisibles sur le web